Sukhmani: Le secret de la paix intérieure

Traduction du pendjabi et Commentaires de Doug Marman

Traduction française de Marie-Claude Coppex-Mudry

AU FIL DU TEMPS, LES MYSTIGUES, les voyants ou devins et les voyageurs spirituels ont accédé à des états de conscience supérieurs. Ils en sont revenus transformés et inspirés. Chacun décrit en termes différents la sagesse qu’il a expérimentée. Certains disent avoir vu l’Arbre cosmique de vie. D’autres ont eu l’impression d’avoir fusionné avec un océan de vérité ou visité un temple de sagesse d’or. Ce ne sont pas des mythes, mais des descriptions poétiques de l’état d’éveil qui les a submergés, baignés de lumière et embrasés.

Sukhmani-French

« Sukhmani » signifie « porteur de la paix du cœur ». Arjan rédigea ce livre après qu’une personne, plongée dans la souffrance et la douleur, le supplia de lui révéler la manière dont il avait trouvé la quiétude. La réponse d’Arjan est l’un des testaments les plus profonds et significatifs jamais écrits.

Toutefois, cet ouvrage raconte également une autre histoire, qui dit que les enseignements spirituels peuvent être corrompus par la pratique de ritu­els – malgré la mise en garde de l’auteur contre ce danger.

Les Enseignements de Gourou Arjan semblent familiers aux disciples actuels d’Eckankar, de Sant Mat et de Radhasoami. Le lien avec Eckankar est particulièrement intéressant. Sukhmani commence par ces termes :

Ek Onkar Sat Guru Prasad.

Ce qui signifie : « L’unique Réalité – réalisée par la grâce du Gourou véritable. »

Certaines traductions l’orthographient de cette manière : 

Ekankar Sat Guru Prasad.

La ressemblance avec Eckankar n’a rien de fortuit. Dans une de ses premières causeries intitulées Noms, lieux et sons dans les discours, Paul Twitchell a expliqué l’origine du nom de son enseignement :

Eckankar est la science de la conscience totale, parce qu’elle traite des plans supérieurs et qu’elle peut pénétrer assez profondément dans la vie qui existe dans les plans supérieurs. Vous décou­vrirez que le mot en soi résulte d’une mauvaise prononciation ou d’une orthographe incorrecte qui a donné le mot E-k-a-n-k-a-r, ce qui signifie le Dieu suprême et universel ou collaborateur de Dieu[1].  

Je crois que Sukhmani offre un aperçu de l’Arbre cosmique de vie. Beaucoup ont fait l’expérience di­recte de cette sagesse. Elle n’appartient ni à une époque, ni à une religion.

L’éveil de l’Âme laisse une empreinte dans les mondes intérieurs. C’est comme si la reconnais­sance que l’Âme vient de faire est inscrite dans les pages de la vie pour que l’intégralité de l’Âme puisse les lire. Si nous sommes privilégiés, nous pouvons passer en revue ces archives intérieurement pour apprendre de ceux qui nous ont précédés. Il est impossible de saisir cette essence dans sa totalité. Aucun mot humain ne peut cerner ce que seuls les yeux de l’Âme peuvent voir directement à la source.


[1] Names, Places and Sounds in the Discourses [Noms, lieux et sons dans les discours], conférence enregistrée de Paul Twitchell, Eckankar, c.1967.

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Se souvenir de Dieu

On réalise Ek Onkar (le Dieu unique) par
la grâce du vrai Gourou.

Je m’incline devant le Gourou primordial,
la source de tous les enseignements.

Je m’incline devant le Gourou de tous les âges,
qui existe avant le temps.

Je m’incline devant le Gourou véritable.

Je m’incline devant le Gourou vivant.

1.

Souviens-toi, souviens-toi, souviens-toi de Dieu,

Et tu obtiens la paix spirituelle qui dissipe les désordres de l’esprit et du corps.

Souviens-toi du nom de Ek (l’Unique) qui répand les bénédictions sur le monde.

D’innombrables êtres le prononcent et se le rappellent en silence.

Les auteurs des livres saints ont découvert le mot le plus sacré, Ek.

Ils affirment que ce mot est le nom de Dieu.

Quand le Ek réside dans le cœur de quiconque, même dans une faible mesure,

Aucun éloge ne saurait être digne de décrire un tel être.

Il y a des amoureux qui aspirent à jeter un coup d’œil sur LUI.

Ô Nanak, joins-toi à la société de ceux qui sont le plus proches de Dieu.

2.

Le nom de Dieu est Sukhmani (Celui qui répand la paix et le bonheur).

Ce nectar réside dans le cœur des vrais amoureux de Dieu.

Pause.

En se souvenant de Dieu, l’Âme laisse derrière elle les cycles des naissances et des renaissances.

Quand on se souvient de Dieu, le seigneur de la mort se tient à l’écart.

Quand on se souvient de Dieu, l’ombre obscure de Kal ne peut s’approcher.

Quand on se souvient de Dieu, les ennemis intérieurs que sont l’agitation et la confusion se retirent.

Quand on se souvient de Dieu, les obstacles ne peuvent se dresser contre le cœur.

En se souvenant de Dieu, l’amoureux de Dieu reste intérieurement éveillé, nuit et jour.

Quand on se souvient de Dieu, l’angoisse déserte l’esprit.

Quand on se souvient de Dieu, la tristesse et la douleur peuvent passer par là, mais sans s’agripper à l’Âme.

Le cadeau du souvenir de Dieu s’obtient dans le satsang, en compagnie des vrais amoureux de Dieu.

Ô Nanak, l’amour sincère de Dieu dispense tous les trésors et toutes les richesses.

3.

En nous souvenant de Dieu, nous obtenons les neuf trésors de l’état d’éveil spirituel.

En nous souvenant de Dieu, nous obtenons la connaissance divine, la contemplation d’un esprit absorbé en elle, la sagesse véritable ainsi que la capacité de discernement et celle de reconnaître la Vérité.

Se souvenir de Dieu est un acte de pure dévotion qui produit les fruits de l’amour.

Quand on se souvient de Dieu, l’apparence de dualité s’évanouit.

En se souvenant de Dieu, l’amoureux de Dieu baigne dans une rivière sacrée.

En nous souvenant de Dieu, nous obtenons les honneurs dans le royaume suprême.

En se souvenant de Dieu, le chercheur sincère voit tout ce que fait Dieu comme étant bon et il accepte Sa volonté comme quelque chose de bon.

En nous souvenant de Dieu, nous obtenons les cadeaux que nous procure la vie humaine.

Ceux que Dieu incite à agir ainsi se souviennent de Lui.

Ô Nanak, mets tes pas dans les pas de ceux qui se souviennent.

4.

Se souvenir de Dieu est la plus grande œuvre qui soit.

En se souvenant de Dieu, des millions d’êtres sont sauvés des pièges terrestres.

Quand nous nous souvenons de Dieu, notre soif s’étanche.

En nous souvenant de Dieu, nous découvrons le sens de toute chose.

Quand on se souvient de Dieu, la peur de la mort se dissipe.

Quand on se souvient de Dieu, tous les désirs sont satisfaits.

Quand nous nous souvenons de Dieu, les soucis s’effacent de notre esprit.

Et le nectar de Nam remplit notre cœur.

Dieu s’assied sur la langue des saints véritables.

Ô Nanak, deviens le disciple des disciples de tels saints.

5.

Ceux qui se souviennent de Dieu sont riches dans le vrai sens du terme.

L’Esprit honore ceux qui se souviennent de Dieu.

La vie accueille ceux qui se souviennent de Dieu.

Ceux qui se souviennent de Dieu se distinguent par leur vérité.

Ceux qui se souviennent de Dieu ne dépendent de personne d’autre que Dieu.

Ceux qui se souviennent de Dieu sont les véritables dirigeants de ce monde.

Se souvenir de Dieu apporte la joie et la paix.

Ceux qui se souviennent de Dieu méritent l’état immortel de l’Âme.

Mais seuls ceux que la grâce de Dieu inonde s’attachent à Son souvenir.

Ô Nanak, sollicite les conseils de tels saints.

6.

Ceux qui se souviennent de Dieu sont les vrais philanthropes.

Je voue une grande admiration à ceux qui se souviennent de Dieu.

Le visage de ceux qui se souviennent de Dieu est rempli de lumière.

La vie de ceux qui se souviennent de Dieu est active dans la joie.

Ceux qui se souviennent de Dieu s’élèvent au-dessus de la raison.

La vie de ceux qui se souviennent de Dieu est sacrée et vraie.

Ceux qui se souviennent de Dieu accèdent aux plaisirs véritables.

Ceux qui se souviennent de Dieu résident près de Lui.

Jour et nuit, ils sont attentifs aux bienfaits de Dieu.

Ô Nanak, la contemplation de Dieu est un cadeau des vrais saints.

7.

Quand on se souvient de Dieu, l’objectif de tous les objectifs est accompli.

Quand on se souvient de Dieu, tous les soucis s’envolent.

En nous souvenant de Dieu, nous lui rendons hommage.

En nous souvenant de Dieu, nous nous absorbons dans sa félicité.

En nous souvenant de Dieu, nous accédons au cœur immuable de la réalité.

En nous souvenant de Dieu, notre cœur s’épanouit comme le lotus dont les racines plongent dans la terre et les fleurs flottent à la surface de l’eau de la vie.

En nous souvenant de Dieu, nous entendons l’insurpassable musique des cieux suprêmes.

La paix et la joie obtenues par le souvenir de Dieu sont sans limites.

Celui sur qui Dieu répand sa grâce se souvient de Lui.

Ô Nanak, recherche la protection de tels saints.

8.

En se souvenant de Dieu, Ses amoureux obtiennent les honneurs et la notoriété.

En se souvenant de Dieu, on rédige les écritures saintes.

En nous souvenant de Dieu, nous obtenons le pouvoir, mais nous demeurons satisfaits et généreux.

En se souvenant de Dieu, même le plus modeste et le plus pauvre accède à la célébrité dans les mondes de Dieu.

Quand on se souvient de Dieu, la planète entière se sustente.

Souviens-toi de te souvenir de Dieu, la cause de toutes les causes.

Ce monde a été créé pour qu’on se souvienne de Dieu.

Partout où on se souvient de Dieu, Dieu lui-même est présent.

Dieu prodigue cet enseignement secret, ô Nanak,

À ceux qui reçoivent le cadeau de Son nom par la grâce du Gourou véritable.

Commentaire :

ÉCOUTEZ LA RÉSONANCE et la réverbération de la phrase d’Arjan : « se souvenir de Dieu » qui se répète sans cesse. Ce son fait écho à l’exercice spirituel qui est décrit en termes de répéter les noms sacrés de Dieu. C’est ce que ce chapitre exprime, surtout par sa substance et sa structure.

Simran est le chant du vrai nom ou Nam de Dieu. Ce thème refera surface tout au long de Sukhmani. Mais même si Arjan le répète sans cesse, jamais le vrai nom de Dieu n’a été nommé. Il y a une raison à cela…

Ceci témoigne du fait que le nom est autre chose. Ce n’est pas un mot composé de lettres que l’on peut épeler. Il ne peut qu’être émis en un langage inexprimable, tel que le décrit Gouru Nanak. Ce qui signifie que seule l’Âme sait comment l’exprimer. Cela doit venir de l’intérieur.

Plus important encore est le fait que les écrits n’en font pas mention. Ceux qui suivent ces enseignements sont instruits sur la pratique du chant du nom de Dieu. Ce qui démontre que la puissance de ce système ne provient pas du mot lui-même, mais de la grâce du Gourou véritable ou de l’Enseignant spirituel.

Tel est le sens de la phrase du début de Sukhmani. On obtient cet enseignement par « la grâce du Gourou véritable ». Il est délivré, ou transmis devrions-nous dire, au disciple. Le chercheur doit capter cette forme intérieure et cette résonance de ceux qui le possèdent…

C’est pourquoi, quand Arjan parle du Gourou véritable, il s’agit de quelque chose de plus grand qu’un être humain. Quelque chose qui se manifeste à la fois à l’extérieur et à l’intérieur. Il n’appartient à aucune religion, puisqu’il les précède toutes. Il est pourtant la source de tous les enseignements spirituels et de toute sagesse. Il nous met en relation extérieure avec le vrai nom de Dieu, le Gourou véritable qui nous guide sur le chemin du retour à notre source origi­nelle, c’est-à-dire Dieu lui-même.

La nécessité d’avoir un gourou, un maître ou un instructeur spirituel va à l’encontre de notre culture scientifique moderne. L’enseignement universitaire procure des connaissances intellectuelles qui s’ac­quièrent par l’étude d’écrits. Pour les intellec­tuels, les enseignements sacrés n’apportent rien de plus que ce que contiennent les livres sacrés des diverses tradi­tions. Ils affirment que si nous étudi­ons et lisons ces livres sacrés, nous comprendrons tout de la religion.

Ceci témoigne du fait que notre système éducatif est axé sur le monde extérieur. Nulle part il n’est fait mention d’enseignement intérieur qui ne peut s’ac­quérir que par la contemplation et par le contact avec ceux qui l’ont reçu auparavant. Seule l’Âme, ou Surat, peut percer ces secrets de l’Esprit.

L’autre problème qui se pose, c’est bien sûr la difficulté qu’ont les chercheurs de distinguer les vrais des faux gourous et instructeurs spirituels. Où que nous regardions, nous voyons des exemples d’hommes et de femmes qui se disent enseignants. Beaucoup d’entre eux ne sont rien de plus que des prêcheurs de l’orthodoxie, et les pires se laissent duper par leur orgueil. Ceci complique la tâche consistant à découvrir le Gourou véritable.

Les sociétés occidentales ne présentent aucune solution à ce dilemme. Elles rejettent le problème en affirmant que les disciples d’instructeurs spirituels sont insensés. Il en résulte que la pensée dominante actuelle veut que nous ne dépendions que de nous-mêmes ou de Dieu, mais jamais de quelqu’un d’autre.

L’enseignement de Sukhmani est très différent. Son message est aussi pertinent aujourd’hui qu’il l’était il y a quatre cents ans. Le sentier de l’intellect est une route pleine de doutes et de peurs, car l’esprit est incapable de résoudre ces questions. Mais le Nam de Dieu peut le faire. Comme Roumi, mystique soufi, l’expliquait un jour, Dieu ne résout pas chaque problème en particulier, mais la réponse qu’il procure nous éclaire sur toutes les questions.

Voilà pourquoi la pratique du souvenir de Dieu que l’on apprend de ceux qui portent ce Nam sur leur langue rétablit en nous le vrai sens de la voie. L’Âme reconnaît cette vérité, et le bonheur qu’elle découvre en est la preuve. C’est ainsi que Sukhmani apporte la paix spirituelle.